Tous avec Alhassane Condé ?

Ce n’est pas la première fois, qu’Alhassane Condé se lâche (on se rappelle qu’il avait traité les Peuls d’étrangers, de Somaliens notamment), malheureusement sans réaction judiciaire, mais tout ce qu’il dit aujourd’hui n’est pas à prendre au premier degré, et il y a lieu de s’y appesantir pour en prendre le contre-pied, ou à l’inverse le prendre au pied de la lettre.

D’Alhassane Condé, on connaissait la forme puisqu’il a l’habitude d’utiliser le langage du charretier, lorsqu’il évoque l’opposition, mais pour une fois qu’il s’aventure sur le fond de certains dossiers (CENI, UFDG, accords du 3 juillet et poursuite des ex-PM), il est également loin de convaincre.

La CENI et l’organisation des élections

Selon Alhassane Condé, Alpha Condé n’a rien à voir avec l’organisation des élections. C’est effectivement ce que dit la Mission d’observation électorale de l’Union européenne (MOEUE), lorsqu’elle révèle dans son rapport (page 26) que le RPG « a reçu un appui considérable de l’appareil de l’État au travers de moyens matériels, financiers et logistiques. La MOEUE a observé l’implication effective de cadres de l’administration publique et l’utilisation de véhicules et de locaux de l’État, en faveur de la campagne du RPG-Arc-en-ciel, dans toutes les régions administratives, à l’exception de la région de Labé. La MOEUE a noté également l’implication, sur le terrain, de 8 ministres, 4 gouverneurs, de préfets et sous-préfets, de maires, de chefs de quartier et de fonctionnaires. La législation en vigueur encadre pourtant l’utilisation des biens de l’État et l’impartialité des fonctionnaires d’État et territoriaux. »

Si Alhassane Condé est de bonne foi – mais ce n’est pas sa qualité première –, tout le déroulement des élections passées montre que c’est bien Alpha Condé en sous-main, qui organise les élections, et non la CENI, qui n’est qu’un faire-valoir.

Lorsque le ministre annonce que jusqu’à aujourd’hui, le gouvernement n’a pas encore été saisi de quoi que ce soit, pour l’organisation des élections communales, il serait crédible s’il rappelait qu’aucun financement public n’a été budgété en 2014 pour ces élections. Qui est tenu par qui ? Si le gouvernement n’a pas prévu ces élections, pourquoi la CENI devrait-elle mettre en œuvre des actions non financées ?

Alhassane Condé trouve malheureux que des responsables politiques (sans doute s’inclut-il parmi eux), demandent à l’ancien colonisateur (???) d’organiser des élections. De la part d’un gouvernement qui ne fait que mendier, la parole du ministre est difficile à comprendre. N’est-ce pas ce gouvernement qui sollicite sans cesse l’aide étrangère, pour des élections, pour boucler son budget (toujours en déficit), pour régler une situation sanitaire (le virus ébola par exemple). De la même façon de nombreux cadres de ce gouvernement « souverain » (Nantenin Chérif Konaté étant le dernier en date par exemple), n’hésitent pourtant pas à solliciter « l’ancien colonisateur » pour se soigner.

L’illégalité de l’UFDG et le respect de la loi à géométrie variable

Selon Alhassane Condé, « l’UFDG n’est pas un parti tout à fait en règle, il n’a même pas un agrément correct ». Pourtant s’il dit vrai, c’est le MATD lui-même (j’ai oublié le nom de son responsable), qui aurait fait montre d’incompétence en autorisant ce parti à concourir aux élections. Mais il y a pire, puisque dans l’entretien Alhassane Condé avoue qu’il en était informé, mais qu’il a violé la loi (en ne la faisant pas respecter) pour tenir compte des « réalités ». « Nous avons laissé les gros partis aller aux élections », dit-il, une autre manière de dire que lui peut violer la loi en fonction de son humeur, mais ce n’est pas permis à d’autres. C’est sans doute aussi la raison, pour laquelle Alhassane Condé continue de violer la loi allègrement, en autorisant également de son propre chef, le viol de l’article 38 de la constitution par le PRG, article qui ne permet pas le cumul de la présidence de la république avec la responsabilité d’un parti politique (en l’occurrence le RPG).

Alhassane Condé poursuit ses diatribes : « l’UFDG est un parti communautaire, … l’UFDG ce sont des provocateurs … des voleurs… un menteur…», en indiquant que « la politique, ça ne sert à rien d’attaquer des gens » (sic !!!). Pour qui parle t-il ? Fais ce que je dis, mais ne fais pas ce que je fais, semble être son principe de fonctionnement.

Si Alhassane Condé est aussi zélé qu’il le dit, on peut espérer voir différentes régularisations se faire. Il ne s’agit pas ici de faire l’inventaire des nombreuses violations de la loi (voire de la Constitution) faites par ce régime, mais de rappeler quelques-unes (non exhaustives) de celles-ci :

la violation des articles 13, 46, 72, 57 et 129 de la Constitution,

la violation des articles 16 à 19 du Code électoral,

la violation des articles 80, 100, 143 et 144 du Code des collectivités locales,

des restrictions illégales à la liberté individuelle (arrestations arbitraires, voire kidnapping, détentions préventives illégales, révocations arbitraires) et aux libertés publiques (liberté d’expression non complètement libre),

des meurtres ciblés et des disparitions suspectes,

des pillages et mises à sac d’habitations des membres de l’opposition,

des discours publics ethnocentristes de la part de membres du gouvernement,

des exactions diverses (tortures, absence volontaire de soins notamment en prison, refus d’autopsies suite à des morts suspectes),

des applications aléatoires du droit (vices de procédures non sanctionnés dans le procès du pseudo-attentat, absence d’enquêtes après des crimes, présomption d’innocence à géométrie variable),

des fraudes électorales (voir le rapport très instructif de la MOEUE),

des nominations illégales (magistrats sans avis pourtant obligatoire du CSM),

etc.

On lui souhaite bien du courage.

Les accords du 3 juillet

Concernant les accords du 3 juillet, Alhassane Condé indique que ce n’est écrit nulle part, lui il possède le texte (sic !!!), mais ça (quoi exactement ?) a été un vœu, ce n’est pas quelque chose qui a été écrit, et signé. Il paraît donc urgent de lui demander personnellement, puisqu’il était signataire des accords, mais aussi à Nanténin Chérif Konaté, Aboubacar Sylla, Bakary Fofana, François Louncény Fall, Aboubacar Somparé, Salifou Sylla, Saïd Djinnit (le facilitateur international), Alexander Laskaris (ambassadeur des États-Unis), Bertrand Cochery (ambassadeur de France), Philippe Van Damme (représentant de l’UE), Anthony Ohemeng Boamah (représentant du PNUD), Jacqueline Zaba (représentante de la CEDEAO) et Tanor Thiendella Fall (représentant de l’OIF), si leur signature était virtuelle, s’ils ont eu l’impression d’assister à un raout. Lorsqu’il indique que CDD divague, il ferait mieux de se demander si ce n’est pas lui le sénile ou le débile.

Dès lors pourquoi s’offusque t-il que Cellou Dalein Diallo aille solliciter ces pays pour leur demander aussi s’ils avaient rêvé ?

La poursuite des délinquants

« Tous ceux qui ont volé, ils passeront tous devant le tribunal… il y a 2 anciens ministres [Ousmane Doré et Mohamed Camara] qui ont été condamnés ».

J’ai cru qu’il voulait faire de la communication (le buzz) pour détourner l’attention des Guinéens, des vrais problèmes actuels. Sans doute veut-on faire oublier aussi que deux autres ministres, d’Alpha Condé cette fois (Ousmane Bah et Mohamed Traoré), sont sur la sellette pour les mêmes raisons. Certes il ne s’agit pas de ceux-là, mais l’opinion publique aimerait disposer d’une copie du jugement public, pour comprendre comment le délit de détournement de fonds publics, qui aurait eu lieu en 2007, peut être encore sanctionné en 2014, soit 7 ans après les faits, alors que les délits se prescrivent par 3 ans (article 4 du Code guinéen de procédure pénale).

« L’Assemblée nationale n’est pas une couverture, l’immunité peut-être levée… La loi c’est pour tout le monde… Les grands prédateurs, les voleurs seront traduits devant la justice… Les décisions sont prises, … personne ne peut se pavaner, certains parmi eux sont connus. Ils vont dans les radios internationales raconter n’importe quoi ».

Difficile d’ignorer qui est visé par ces diatribes.

Dans la même veine, Nantenin Chérif Konaté ne dit pas autre chose, lorsqu’elle annonce que ceux qui critiquent la gestion d’Alpha Condé (l’absence de gestion devrait-elle dire, si elle était lucide), comme si cela était interdit de critiquer – il est vrai qu’au sein du RPG, il n’y a qu’une seule voix, chacun étant libre d’interprétation –, s’expliqueront sur leur gestion pendant plus de 20 ans. On a du mal à comprendre, car les seuls qui ont géré la Guinée pendant plus de 20 ans (Sékou Touré et Lansana Conté) sont morts. Et si on veut auditer la gestion des ex-PM, ou des PRG de transition, doit-on éliminer celles du général Konaté, de Jean-Marie Doré, de Dadis Camara, de Kabiné Komara, d’Ahmed Tidiane Souaré (chacun comprend pourquoi), et ne retenir que celle de Lansana Kouyaté (l’allusion à ses deux ministres de 2007 en constitue l’illustration), voire de Cellou Dalein Diallo et de Sidya Touré (Nanténin Chérif Konaté les a nommés explicitement) ?

Conclusion

Je suggère déjà à l’UFDG de porter plainte pour injure publique, histoire de vérifier si le respect de la loi qu’Alhassane Condé appelle de ses vœux, est bien respecté. Ensuite puisque le ministre veut revisiter l’histoire de la Guinée, il y a lieu de mettre en œuvre la justice soit pour diffamation (Alhassane Condé accusant publiquement et sans preuve l’UFDG de ne pas respecter la loi, soit pour violation de la loi par Alhassane Condé, ce dernier affirmant qu’il a violé la loi en laissant l’UFDG participer aux élections, pour tenir compte des réalités locales). Alhassane Condé s’est mis dans le pétrin tout seul, à moins que la justice ne montre une nouvelle fois, qu’elle n’est pas à la hauteur des événements.

À l’Assemblée nationale, il faudrait être en phase avec Alhassane Condé pour respecter la loi et peut-être réexaminer toutes les violations passées évoquées. Pour ce qui le concerne personnellement, les députés doivent lui demander officiellement par écrit :

à quel moment les délégations spéciales qu’il a nommées illégalement (en violation de l’article 80 du Code des Collectivités locales) vont cesser, la loi à laquelle il tient tant (article 77) précisant que la durée de la suspension ne dépasse pas 3 mois (nous en sommes à quasiment 3 ans !!!).;

ce qu’il compte faire des conclusions du rapport de la MOEUE, et notamment celles qui mettent explicitement en cause son département (pour ne pas dire lui-même).

Comme je le disais en titre, il faut donc soutenir Alhassane Condé, pour qu’il nous résolve les menus problèmes qui le concernent, ce qui ne devrait pas rencontrer d’opposition (les députés étant a priori forcément légalistes). « Celui qui ne respecte pas la loi (Alhassane Condé lui-même), il connaîtra la rigueur de la loi » dit-il. Soit.

Gandhi

Citoyen guinéen

« Dans tout État libre, chaque citoyen est une sentinelle de la liberté qui doit crier, au moindre bruit, à la moindre apparence du danger qui la menace ». (Robespierre, Discours sur la liberté de la presse, mai 1791).