Sékou Touré était indéniablement un sanguinaire, un népotiste, le géniteur de l’idéologie angbansanné qui continue de compromettre l’avenir de la Guinée. A-t-il été aussi un prédateur ?

Les partisans du PDG et ceux qui accordent encore un crédit au régime de Sékou Touré, se fondent sur des arguments qui présentent le tyran comme un des rares dirigeants africains qui n’ont pas pillé leur pays ou volé des fonds et biens publics. Eh bien sur cette question, des intellectuels guinéens s’étaient penchés à un moment en faisant des recherches sérieuses sur la gestion et des biens de Sékou Touré dont le caractère népotiste ne peut être nié par personne (Le favoritisme de ses parents et de son ethnie, avec l’idéologie Angbansanné comme devise). Ci-dessous, une publication d’un de ces grands intellectuels guinéens, le dimanche 27 mai 2007 :

Guinée : La fortune colossale de Sékou Touré !

Je suis vraiment surpris que le Pr. Alpha Condé qui aspire pourtant à briguer le mandat présidentiel laisse entendre que le sanguinaire Sékou Touré n’a pas pillé « systématiquement » les richesses de la Guinée. Est-ce une façon pour lui de faire la cour aux nostalgiques de la révolution pour pomper son électorat ?

Parler du pillage systématique des richesses de la Guinée par Sékou Touré ne fait certainement pas actualité à ce moment précis. Néanmoins j’interviens parce qu’il fait débat sur le net. Un débat que suscite d’ailleurs le Pr. Alpha Condé. Beaucoup ont fait des recherches sur la fortune de Sékou Touré, et continuent de le faire. Et jusqu’à ce jour aucun d’entre eux n’a encore été démenti dans leurs écrits avec des preuves à l’appui.

J’apporte par conséquent à ce débat quelques éléments recueillis au cours de mes lectures. Sekou Touré et son clan familial se sont bel et bien enrichis illicitement.

Sékou a détourné une très grande partie de l’argent issue de l’exploitation des diamants extraits du sous-sol guinéen et une autre très grande partie de l’aide accordée à la Guinée pour son développement.

À titre d’exemples : en décembre 1960, la conférence de Kissidougou transfère à l’Etat les mines de diamants. Ce qui entraîne en juillet 1961, la nationalisation de la société SOGUIMEX et son remplacement par l’EGED (Entreprise Guinéenne d’Exploitation des Diamants).

Fin 1963, la bourse du diamant qui détient le monopole de la commercialisation est transférée de Conakry à Kankan. Dès lors ces minerais qui, selon les experts soviétiques rapporteraient 3 milliards de francs guinéens par an, relève du domaine privé du président de la République.

Dès 1964, les exportations de diamants n’apparaissent plus dans les statistiques d’exportation de la Guinée. Alors que la production n’a jamais été arrêtée. Il s’agit bien là de ressources détournées par le pouvoir strictement personnel de Sékou Touré au détriment du peuple de Guinée qui trimait et trime encore dans la misère.

Mais, peut-être, notre étrange politicien Alpha Condé nous indiquera-t-il où sont passés les milliards issus de l’exportation frauduleuse des diamants, puisque on n’en signale aucune trace dans les comptes ni du trésor public, ni de la banque centrale. Et au fond, pour quelqu’un qui se disait opposant au régime de Sékou Touré, M. Alpha Condé paraît manifestement trop bien renseigné sur l’état de la fortune de la famille de l’ex-tyran guinéen.

Aussi, est-il souhaitable qu’il mette à la disposition de ses concitoyens dont il prétend briguer les suffrages, les informations sur la destination des ressources dont ils ont été spoliés de 1963 à la mort de Sékou Touré en 1984.

De 1973 à 1980, la Guinée reçoit 605 millions de dollars des pays arabes dont 370 millions en 1980 et arrive au premier rang des pays bénéficiaires de cette aide en Afrique (conféré Jeune Afrique du 13 mai 1981). Il s’agissait principalement de prêts, mais à des conditions avantageuses quant aux taux d’intérêts et à leur durée. Cette aide devait financer différents projets industriels ou d’infrastructures qui ne verront jamais le jour.

Où est passé cet argent ?

J’apporte quelques éléments de réponse que voici, en attendant la contribution de M. Alpha Condé. Je n’ai pas de doute qu’en patriote, il mettra à la disposition du pays les informations dont il dispose. Car, la promptitude qu’il met à blanchir M. Sékou Touré laisse penser qu’il en sait beaucoup plus qu’il ne le dit.

Je n’ose imaginer qu’il ait un patriotisme sélectif. Intransigeant avec un naïf Lansana Conté, compatissant et compréhensif avec Sékou Touré criminel assumé. Avec M. Alpha Condé, il faut s’attendre à tout. Non pas qu’il est une girouette, loin s’en faut. Mais, ses convictions sont très souvent changeantes, et on a du mal à le suivre.

Une part importante de ces sommes détournées a été consacrée à l’enrichissement du clan familial, au fonctionnement des différents organismes du système policier aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur de la Guinée, mais aussi et surtout à l’entretien de nombreuses maîtresses et amantes du dictateur. Comme l’a si bien démontré d’ailleurs Kaba 41 dans son célèbre livre : « Dans la Guinée de Sékou Touré cela a bien eu lieu», la vie de Sékou Touré était une véritable orgie.

En fin démagogue, l’on se souvient qu’au « Congrès de la vérité » en 1962, il déclare hypocritement : « La Guinée subit une grave crise de moralité. Le gouvernement doit mettre un frein à la corruption au niveau des agents de l’Etat et bannir définitivement la passivité, l’inconscience professionnelle, l’incurie, les gaspillages inadmissibles et surtout le vol qui semble se généraliser dans tous les secteurs d’activités de l’Etat ».

Pourtant le courant des malversations prenait leur source au sommet même de la hiérarchie de l’Etat révolutionnaire. Charles E. Sorry, dans « Sékou Touré : l’Ange Exterminateur », apporte tout son éclairage sur les détournements de fonds au bénéfice du clan familial de Sékou Touré. Il dit en ces termes édifiants : « Presque tous les dignitaires du régime de Sékou Touré plongeaient à qui mieux mieux leurs mains avides dans les deniers publics et en retiraient une part proportionnelle à la dimension de l’écuelle dont ils disposaient, suivant leur importance dans la hiérarchie politique et administrative et d’après le degré de parenté qui les rattachait au clan Touré (côté Sékou Touré) et Keïta (côté madame Andrée Touré née Keïta). Ainsi, un Ismaël Touré, un Siaka Touré, tout comme les Mamady Keïta, Saïdou Keïta et Kabassan Keïta, pour ne citer que ceux-là profitaient sans retenue, au vue et au su de tous, des biens mal acquis. »

Toujours dans cette foulée pour mettre à nue l’enrichissement illicite de Sékou Touré et des siens, Charles E. Sorry donne des chiffres ahurissants sur la fortune colossale du dictateur et de ses proches. Il écrit: « Avec toutes les réserves nécessaires dans un domaine aussi secret, voici ceux qui auraient été la fortune du dictateur et de certains de ses proches en 1984 :

Au compte de Sékou Touré, il y a 147 millions de dollars en Suisse, 844 millions de dollars en Angleterre, 158 millions de Sylis en Guinée. Au Maroc, il compte un château à Rabat, un à Casablanca, un domaine de 36 kilomètres carrés et 42 villas à Fez. En Espagne, il a un château, et à Paris un immeuble de 16 étages.

Au compte de Mohamed Touré, fils du dictateur, on trouve 75 millions de dollars en Suisse. Il possède un château au Maroc et une usine de montres « Emicart » en Suisse.

Si Sékou Touré était d’une probité irréprochable quant aux biens publics, il serait souhaitable que M. Alpha Condé nous dise de quoi vivaient ses multiples clans familiaux pendant leur exil volontaire.

Au compte du sinistre Ismaël Touré le frère cadet du despote, on relève des diamants et un « chéquier » d’or.

Au compte de Siaka Touré, le Lucifer des camps de la mort du PDG et neveu du sanguinaire Sékou Touré, on trouve aussi 54 millions de dollars (gérés par une certaine Monique, son amante) et 47 kilos d’or.

Pour Béavogui Lansana, ami de Sékou Touré et premier ministre, on trouve 43 millions de dollars et 47 millions de Sylis sur un compte dont « le numéro serait tenu caché sur une des cuisses respectables d’une…grande dame ! »

Sékou Touré a régné pendant 26 ans. Et durant tout son règne, il s’est servi de la Guinée comme un tremplin pour assouvir son ambition démesurée pour le pouvoir et pour le gain. Et pour ne pas laisser de témoins pour le tribunal de l’histoire, il a assassiné tous ceux qui étaient au courant de ses magouilles et malversations financières. Ça a été le cas de son malheureux ami et ambassadeur itinérant Kassory Bangoura qu’il a liquidé au camp Boiro.

Kaba 41 témoigne : « Bangoura Kassory était l’ami fidèle de Sékou. Tu l’as tué Sékou, cet ami fidèle. (…). Nous avons tout fait à Boiro pour qu’il nous révèle les emplacements, à travers le monde, de tes fabuleux trésor, trésor volé à la guinée; Bangoura Kassory, ton ambassadeur itinérant n’a rien voulu nous dire. (…). Tu l’as tué parce qu’il en savait trop. »

Et dans le même lot, on peut citer aussi Baldet Ousmane, Soumah Théodore, Thiam Baba Hady, Gnan Félix Mathos, Camara Balla, El Hadji Fofana Mamoudou, la liste est longue, qui, étaient tous au courant des détournements des fonds publics par Sékou Touré et ses proches. Et il a utilisé son talent de tribun pour cacher ses faits monstrueux comme s’il avait lu Talleyrand qui disait : « La parole a été donnée à l’homme pour masquer ses pensées. »

Et le drame que connaît la Guinée depuis son accession à l’indépendance est vécu par chaque Guinéenne et chaque Guinéen dans sa chair et dans son cœur. Chacun peut le constater. L’heure est grave. Le constat est catastrophique. Il est grand temps de nettoyer les écuries d’Augias.

Docteur Abdoul Baldé 
Depuis Rouen France