Première Partie : Essai d’analyse comparative des armes du pouvoir d’Alpha Condé et de Sékou Touré
La Guinée est un pays qui a toujours fait rêver. Mais, ce fut toujours, paradoxalement et inexorablement, un rêve brisé.
Le lecteur se rendra compte, je l’espère vivement, du déchirement que je ressens en écrivant ces mots. Des mots, presque des assertions qui sont, hélas, vérifiables.
L’histoire de la Guinée, mon pays, notre pays, est sûrement faite, comme celle de biens d’autres, de hauts et de bas. Ce qui est douloureux, c’est qu’à la différence des autres, les sauts vers le bas, sont infiniment plus nombreux en ce qui concerne la Guinée. Cette succession de bas, de retour en arrière, de répétition du passé, voire de l’histoire, nous conduit de plus en plus vers le gouffre.
Le cheminement du pays ressemble à bien d’égard à un labyrinthe qu’autre chose. Le risque, c’est que notre pays et son peuple on ne s’y perd et n’arrive jamais, du moins pour longtemps, à retrouver le chemin menant vers la sortie.
Ce retour du passé se lit à travers les constantes des différents systèmes politiques qui ont été mis en place de l’indépendance de 1958 à nos jours. Je ne reviendrai pas sur tous. Mais, j’établirai une brève analyse comparative entre les débuts du pouvoir de Sékou Touré et d’Alpha Condé. Ce choix, loin d’être hasardeux, se fonde sur le fameux propos : « Je reprendrai la Guinée là où Sékou Touré l’a laissée » tenus par l’actuel président guinéen.
Sékou Touré une idole d’Alpha Condé ?
De deux choses l’une ou les deux à la fois. Alpha Condé a toujours idolâtré Sékou Touré. Sinon, il a toujours été un nostalgique du Parti Démocratique de Guinée (PDG). Avoir été les deux à la fois ne serait pas à exclure pour qui observe la trajectoire politique du président guinéen.
La seule chose qui manque à Alpha Condé et qui n’en fait pas un Sékou Touré, c’est que son idole était un tribun hors pair et lui un piètre orateur. A se demander ce qu’il a fait de ses cours de droits ? La lecture de ses discours en donne la preuve. On le voit ânonner à la télévision guinéenne, comme un élève du primaire, des textes qui sont très courts. Autant son idole captivait par sa verve, autant Alpha Condé est ennuyeux par ses bégaiements. Du reste, tout rapproche les deux hommes.
L’obsession du pouvoir et la stratégie du danger permanent.
Accéder au pouvoir et le garder par tous les moyens est un trait commun que partage le premier et dernier président guinéen. Alpha Condé a déclenché son premier vrai- faux complot exactement comme l’avait fait Sékou Touré. C’est- à- dire, quelques mois seulement après son arrivée au pouvoir.
Sur ce plan, il vole la vedette à son idole qui attendra un an avant de fomenter son premier coup. La République proclamée le 2 octobre 1958, Sékou Touré devenu Président, inaugure le premier complot, parmi les dizaines que connaitra son règne, en mars1960. Ces complots, à force de répétition, seront appelés « complot permanent » et le pouvoir actuel risque de renouveler la recette..
Le premier complot baptisé « complot des agents du colonialisme français et des intellectuels tarés » aurait à sa tête un certain Diallo Ibrahima, juriste, ancien Président de l’Association des Etudiants Guinéens en France et inspecteur du travail. Des cadres nationaux et étrangers, des personnalités de la société civile d’alors et des religieux seront injustement arrêtés, torturés et exécutés.
Ce sont Alpha Yaya Diallo, ingénieur et également ancien étudiant guinéen en France ; El Hadj Lamine Kaba, Imam de Coronthie ; Dr Fodé Touré, pharmacien, dit « Fodé le Gros ». Il y avait aussi 4 Français et 1 suisse parmi les accusés et beaucoup d’autres guinéens. Rien qu’au camp de Camayenne, devenu Camp Boiro, ils étaient 44 détenus accusés d’être des agents de l’impérialisme parmi la centaine qui sera arrêtée. Parmi eux, 10 mourront sous la torture.
En réalité, Sékou Touré avait saisi l’occasion de la Rédaction par Diallo Ibrahima d’un manifeste pour la création d’un parti politique : Le Parti Progressiste de Guinée (PPG) pour mettre fin à toute velléité d’opposition à son pouvoir. Ce fut aussi l’occasion rêvée pour attribuer « aux suppôts de la France » son échec et son incapacité de répondre aux attentes des Guinéens.
C’est le même scénario que reproduit Alpha Condé pour les mêmes raisons : échec des réformes promises, pénurie d’eau et d’électricité, gabegie, corruption, désintérêt des investisseurs etc. Comme Sékou au lendemain de l’indépendance accusant ses les intellectuels « de servir de cheval de Troie à l’impérialisme français » et international, Alpha Condé voit des ennemis, des gris- gris, des marabouts et des Peuls partout. Au fur et à mesure que son champ de fantasmes s’élargit, les hallucinations s’entremêlent. Il voit alors des militaires tirer sur son domicile. Des civils y participaient, pour s’entrainer, parait- il.
La question, c’est de savoir si Alpha Condé s’estimera désormais en sécurité si sa garde ne peut même pas appréhender des civils venus bombarder chez leur président. Si le camp Alpha Yaya, à 30 minutes à pieds, ne peut le secourir. Peut- être parce qu’il est Diallo, ce camp ? Oh ! C’est fort probable que ce soit Alpha Yaya, décédé depuis 1901qui ait refusé qu’on porte secours à quelqu’un dont la vaillance a empêché de grimper un mur. Mais, plutôt lui a permis de le sauter.
Alpha Condé aura mis moins de temps pour enclencher sa tentative d’assassinat contre sa personne et qui ne serait pas un coup d’Etat (ndlr) que Sékou Touré. Investi le 21 décembre 2010, il a fait son montage le 18 juillet 2011. Il aura divisé le temps pris par son idole par 3. Il lui faudra moins de 7 mois pour réaliser le même manège que son idole qui mit 17 mois. Autant dire, qu’il n’a fait qu’appliquer ce qu’il aura appris du PDG des années durant.
Les mêmes échecs auront conduit à la même stratégie. Le malheur pour le président guinéen actuel, c’est le changement d’époque. Son stratagème a vite été déjoué. En tout cas, la supercherie n’a pas duré. Toutes les personnes arrêtées étaient déjà des cibles prédestinées car ce sont en majorité des Peuls ou des alliés de ses prédécesseurs Dadis et Konaté. Et nul n’ignore qu’il voue aux uns et aux autres l’amour que la mort nourrit pour l’âme !
Alpha Condé a fait plus que Sékou Touré dans ses premiers pas d’apprenti dictateur. Il a arrêté, à la fois des civils et des militaires dans son premier complot. Il les fera sûrement exécuter à l’allure qu’il prend. Sékou Touré attendra 1969 pour mettre la main sur les officiers supérieurs de l’armée dans « le complot de Kaman- Fodéba ». A cette stratégie politique, qui est en réalité le stratagème personnel d’un chef au désarroi, s’ajoute d’autres.
La pénurie des biens de première nécessité et la tactique du bouc- émissaire
L’acharnement, sans fondement aucune d’Alpha Condé, sur les opérateurs économiques, notamment les plus nombreux, en l’occurrence les peuls, n’en est que la meilleure illustration de son échec politique.
La cherté de la vie, qu’il a vainement tenté de juguler par son fameux sac de riz à 160 000 FGS a montré ses premières carences. Celles- ci résultant du manque de programme politique et de projet de société conséquent. Le conglomérat de partis politiques et leurs leaders, pour la plupart alimentaires, a échoué aux présidentielles à cause de cette lacune.
L’absence de projet de l’Alliance Arc- en en Ciel a fini par arc- bouter le président. L’incompétence de son gouvernement de recyclés, d’amateurs, de fourbes et de courtisans, plutôt enclins à louer le chef qu’à accomplir sa mission, a fini par le lasser. Pour cause, on peut ou non partager sa politique, Alpha Condé ne semble pas avoir un penchant particulier pour les louanges. Malheureusement on ne peut avoir des Rosko, le gouverneur- ministre de l’Administration du Territoire, des Bantama Sow, le « t » conviendrait mieux, et autres petits contéens et échapper aux flatteries. Ceux qui ont transformé Lansana Conté et métamorphosé Dadis ne le lâcheront pas. Il empruntera le chemin qu’ils lui ont tracé et aura bientôt d’autres titres qui ne soient « Professeur », « Président », « Professeur- Président » ou « Grimpeur ».
Le peur de l’adversaire et le dégoût de la contradiction
L’échec d’Alpha Condé se lit aussi ailleurs. Il s’est fabriqué, comme un paranoïaque, des ennemis. On aura remarqué qu’il ne parle jamais d’adversaires. A force d’être fictifs dans son imagination, ces ennemis risquent bien, un jour, de devenir réel. Le contraire serait étonnant car il en fabrique tous les jours. Au sein de l’armée qu’il veut museler et de la population qui voit de plus en plus en lui le potentat en devenir.
Il n’est plus un tabou aujourd’hui qu’Alpha Condé fait plus peur que Moussa Dadis. Il avait lui- même qualifié ce dernier de fou. Ce qu’il ignore certes, c’est que la majorité des Guinéens le voit comme quelqu’un qui ne dispose pas plus que Dadis des tous ses moyens. Quelqu’un qui est plutôt un faire- valoir qu’un chef. Bref, quelqu’un qu’on manipule alors que tout lui échappe.
Justement, tout comme Sékou Touré fut le jouet de son entourage, Alpha Condé risque de parader comme criait l’autre alors que l’entourage se moque et s’engraisse.
A suivre, Deuxième Partie : Le mépris de l’autre, une politique néo- fasciste comme mode de pouvoir.
Lamarana Petty diallo
lamaranapetty@yahoo.fr