Le vote des Guinéo-Américains aux présidentielles : un plébiscite pour Hillary Clinton

Mme Clinton remporte leur vote, mais, à l’exception de quelques-uns, les Guinéo-américains, tout comme la vaste majorité des Américains, ne sont pas du tout tendres avec elle…

Le premier constat que Guineenews a pu faire sur le vote de ces Guinéo-américains est que cet électorat s’est fortement engagé pour l’élection de l’ancienne secrétaire d’Etat du président Obama.

Comme les Afro-américains et comme de par le passé, les Guinéens ont maintenu cette fidélité historique et cette solide connexion de l’électorat noir au Parti Démocrate et à sa candidate pour barrer la route à Mr Donald J. Trump.

Obama y était-il pour quelque chose ?

On ne saurait le dire. Comme on l’a dit un peu plus haut, les Noirs ont dans leur ensemble, gardé une connexion plus étroite avec tous candidats Démocrates ces cinquante dernières années. Et si c’est ce parti qui a présenté et donné à l’Amérique son premier président noir, de père africain, on ne saurait mieux faire le lien et comprendre ce qui fait que ces nouveaux citoyens votent Démocrate.

Les Africains, tout comme les Africains-américains, n’ont jamais pardonné à Mr Trump, d’avoir voulu prouver que Obama n’était pas né à Hawaï, mais au Kenya. Ils se souviennent des attaques et blocages du Congrès, dominé par les Républicains, face au premier président noir, – attaques et blocages qui n’avaient aucune justification raisonnable et patriotique, sauf qu’il fallait simplement faire échouer Barack Obama et se venger de son élection en 2008, puis en 2012.

Obama qui quitte le pouvoir avec un taux de popularité parmi les plus élevés aux Etats-Unis, reste toujours très populaire en Afrique même s’il a fait moins que les derniers anciens présidents pour le continent d’où est venu son père (pour rappel, le président George W. Bush avait demandé et obtenu un milliard de dollars pour l’Afrique et cet argent a beaucoup aidé dans la lutte contre le sida. Aucun président américain n’avait pu autant faire que lui, démocrates et républicains confondus).

Obama se bat pour que son héritage politique soit bien assuré et nul ne saurait mieux l’incarner que son ancienne secrétaire d’État. Récemment, au cours d’un meeting pour insuffler un peu d’enthousiasme à une campagne qui en avait beaucoup besoin, il avait dit qu’il“ prendrait comme une insulte personnelle si les Noirs ne votent pas pour Mme Clinton ‘’. Ce message résonne bien chez la plupart de ses partisans comme un mot d’ordre. Or s’il s’agit de partisans, il en compte des milliers parmi la diaspora africaine en Amérique aussi.

Autre explication que l’on pourrait donner à l’attrait des nouveaux immigrants pour les Démocrates est que les sujets comme les droits civiques, l’immigration, la question des inégalités sociales, la discrimination positive (affirmative action) sont des questions qui tiennent à cœur cet électorat, tout comme l’électorat des hispaniques ou des autres immigrants. Mais là aussi les choses changent et il est à craindre pour les démocrates, que de plus en plus de ces nouveaux citoyens votent dans l’avenir si le parti Républicain présente un meilleur candidat.

Le deuxième constat est que cette élection n’a pas déchaîné beaucoup de passion chez ces nouveaux Américains, même si leur vote a penché en faveur de l’ancienne première dame des Etats-Unis. Tout comme avec la vaste majorité de ceux qui se sont rendus aux urnes cette fois-ci, le manque d’enthousiasme est palpable au niveau des deux grands partis.

Chez les partisans Démocrates, chez quelques indépendants et voire chez quelques républicains, il fallait à tout prix barrer la route au milliardaire populiste, même si l’indice de confiance et de popularité de la candidate Démocrate était au plus bas.

Une logique du « Tout Sauf Trump » s’est instaurée et il fallait y faire accéder Mme Clinton à la Maison Blanche à tout prix, même s’il fallait voter à contrecœur.

Les indécis Guinéo-américains n’ont pas voulu faire comme ceux qui échappent à Trump, mais ne se rallient pas pourtant à Mme Clinton. Ils n’ont pas voulu prendre ce risque en votant pour le Libertaire, Gary Jonson ou le Vert, Jill Stein. Ils ont voté Mme Clinton à contrecœur.

Voyons plutôt comment le vote s’est effectué et ce que les votants disent ce cette élection.

Fatou Diallo, conseillère en immobilier chez 21st Century en Californie, dit être fortement déçue de cette élection à cause de la nature des deux candidats. Elle reconnaît les expériences acquises par Mme Clinton au fil des années, croit en ses capacités intellectuelles à diriger, mais croit que Hillary manque de transparence, comme le disent la plupart des Américains.

Fatou a suivi les débats, a apprécié les interventions de Bernie Sanders, mais croit que l’Amérique n’est pas prête à élire un socialiste à la Maison Blanche. « Durant cette élection, il fallait choisir entre le mal et le pire » déclare-t-elle. Et elle a choisi avec réserve Mme Clinton, tout en espérant que celle-ci une fois à la présidence, serait sous forte pression de mieux travailler et d’être plus transparente.

Quand on lui pose la question sur Donald Trump, Fatou pense que ce dernier a le niveau d’un bambin de l’école primaire. Elle n’en veut pas à Mr Trump, mais à ses supporters, dont elle n’arrive toujours pas à comprendre pourquoi ceux-ci peuvent voter pour un candidat, aussi vulgaire avec une telle outrance, comme le milliardaire de l’immobilier américain. Elle y voit du racisme et impute la décision des supporters de ce dernier à l’ignorance et au manque d’éducation au-delà de l’école primaire.

A un peu plus d’une heure et demie de temps en voiture, se trouve Simone Béavogui Zulu.

Arrivée aux Etats-Unis à 13 ans, Simone Zulu est une doyenne des Guinéens en Californie, mais aux Etats-Unis, à 63 ans, elle a été le témoin privilégié des changements qui ont affecté les Etats-Unis ces 5O ans dernières années, surtout dans le mouvement des droits civiques et n’a pas manqué, selon elle, une élection depuis son dix-huitième anniversaire, qui avait coïncidé avec sa naturalisation comme citoyenne américaine.

Enseignante au Palm Dale School district et récipiendaire de nombreux prix de reconnaissance de L’Etat de Californie, Simone est aussi une supportrice de Mme Clinton de premier plan. Elle travaille dans la campagne de cette dernière, comme volontaire et passe le plus clair de son temps ces dernier jours à faire des appels en faveur de Hillary 2016, à partir de leurs bureaux.

Quand on lui demande les raisons de son engagement pour la candidate démocrate, elle dit : « Pour gouverner un pays comme les Etats-Unis auquel tout le monde entier se réfère, il faudrait avoir une certaine expérience et être préparé à la diplomatie. La fonction présidentielle ici a un impact global et il faut un leader pour assurer ce rôle. Le président américain est vu comme le leader de la première puissance. Hillary est préparée à cette fonction, car elle connaît comment ça marche à la Maison Blanche, elle a été secrétaire d’Etat. »

À la question de savoir si Mme Clinton est transparente ou pas, Simone pense que tout ce qu’on dit des courriels électroniques est sans fondement. Elle rappelle que le problème des emails était connu depuis plus de 3 ans mais que les Républicains n’arrivent toujours pas à trouver le « Bombelli » (effet ou rapport explosif).

Parlant de Mr Trump, Simone parle d’une campagne folklorique, théâtrale, mais aussi raciste pour laquelle le Ku Klux Klan est prêt à voter, une campagne qui rejette les autres qui ne sont pas blancs.

Simone parle des expulsions massives que Trump promet et elle donne l’exemple de Mélanie Trump, qui, aux yeux de Donald Trump et de ses supporters, n’est pas vue comme une étrangère, alors qu’elle est venue de Slovénie, en 1998. Simone dit qu’elle n’a jamais connue une telle Amérique depuis son arrivée, il y a 50 ans exactement de cela.

Parlant de l’élan raciste qui a caractérisé selon elle la campagne du Parti Républicain, Mme Zulu n’est pas du tout tendre avec ceux qui votent Trump. Elle dit notamment : « Il y a toujours du racisme dans ce pays et si tu étudies l’histoire de l’esclavage et du mouvement des droits civiques, tu te rends compte qu’il y a des hommes blancs qui ne veulent pas du tout partager le pouvoir avec les autres et veulent garder cette hégémonie. Depuis qu’Obama a été élu, il y a des individus qui n’ont pas digéré l’élection d’un Noir à la présidence. Pour ces nationalistes blancs, il vaut mieux un stupide blanc au pouvoir qu’un noir intelligent et ils croient que l’élection de Hillary ne sera qu’une extension d’Obama. »

À des milliers de kilomètres de là, un autre Guinéo-américain a une approche de la question un peu différente de celle de Fatou et de Simone, mais avec beaucoup plus de réserve et de méfiance que cette dernière. Il s’agit de Sam Soumah, Ingénieur en Informatique des réseaux à FCN Technology et ancien président de la communauté guinéenne dans la grande région de Washington, du Maryland et de la Virginie.

Ce Guinéen devenu Américain il y a une dizaine d’années, dit : « Je dois être sincère et franc pour vous dire que je suis mécontent par rapport à la politique africaine des Etats-Unis ces dernières années, surtout depuis que Mme Hillary Clinton a été secrétaire d’État. Le cas de la Lybie est très élucidant. Le printemps arabe qui a causé un désordre énorme en Afrique et qui se répand sur le monde arabe, encourageant un radicalisme avec son cortège de morts d’hommes et une massive immigration. Beaucoup de ces décisions ont été prises en son temps et les décisions de Hillary Clinton continuent de faire mal aujourd’hui à l’Afrique et au monde oriental. »

Parlant du rival de Mme Clinton, Sam Soumah dit : « Mr Trump a sitôt pointé du doigt les malaises sociaux du bas peuple américain et pointé du doigt l’arrogance de la classe politique dirigeante qui ne voit en général que son intérêt. Bien que je ne supporte pas la politique de l’immigration de Mr Trump et son style, mais j’apprécie son franc-parler et sa politique vis-à-vis de la politique de l’emploi et de sécurité de l’Amérique et des Américains »

Jusqu’à la dernière minute, Sam Soumah ne s’était pas décidé pour qui voter.

Toujours dans le Maryland, Ibrahima Diallo voit les évènements un peu différemment. Il soulève trois points sur ce vote.

D’abord, il en veut aux Démocrates qui ont légalisé le mariage homosexuel et brisé ainsi des traditions et valeurs millénaires. Il dit qu’il n’est pas du tout anti gay, mais qu’il croit fermement que le mariage est entre un homme et une femme. Cependant, malgré son opposition à cette politique libérale de Obama et de Hillary, il ne vote pas Trump, mais dit « qu’en attendant d’avoir mieux, il faut éviter le pire » et vote donc pour la candidate Démocrate.

Il va plus loin en encourageant les Guinéens en particulier, et les Africains en général, à voter dans les élections locales. Pour lui, exercer son droit de voter dans ces élections est très important. Il pense que les résidents et les citoyens d’une ville devraient s’approprier le processus politique et participer aux prises de décisions, en votant pour des représentants qui tiennent compte de leurs préoccupations, comme nouveaux venus pour les écoles pour leurs enfants, les transports, la construction de logements sociaux.

C’est dans le New Jersey que nous avons rencontré une grande sympathisante et supportrice d’Hillary qui vote avec enthousiasme, tout comme Simone. Elle, c’est Diouldé Pounthouin Diallo. Diouldé, propriétaire d’un salon de coiffure et de mode ne reproche absolument rien à l’ancienne première dame des Etats-Unis. Elle dit : « Je vais voter sans équivoque pour la secrétaire d’Etat Clinton. Elle est la candidate qui représente et défend mon opinion et qui défend la démocratie qui est au cœur des valeurs américaines. Ça serait un désastre de voter pour quelqu’un qui ne respecte pas les minorités, pour les femmes et les différentes religions. Je suis très contente de faire partie de ceux qui vont élire une femme pour la première fois de l’histoire, comme présidente ».

 

A Indianapolis, Thierno Mountaga Diallo, coordinateur à Epson América ne va pas par quatre chemins pour trancher et depuis qu’il est devenu citoyen de ce pays, il a toujours voté Démocrate et il ne compte pas faire exception pendant cette élection de 2016.Tout comme Simone et Diouldé, pas de reproche envers Mme Clinton.

Comme il est à tout moment en déplacement, et pour ne pas faire perdre à Hillary et à son parti un vote utile qui pourrait faire la différence, alors il a décidé de voter par anticipation, un peu plus de deux semaines avant le jour officiel de vote, du 8 novembre.

Pour Thierno, « Donald Trump n’est qu’un fou, un cinglé et un arrogant qui n’a de respect pour personne. Avec le parcours et le projet de société d’Hillary, il pense qu’elle est le meilleur choix ». Il soutient que : « Clinton soutiendra sur le plan de l’immigration, l’accès à la citoyenneté pour les travailleurs et les jeunes innocents qui sont venus avec leurs parents à bas âge et qui font du sérieux dans la vie sociétale. Qu’elle ne supporte pas l’expulsion des sans-papiers, à moins qu’ils soient des criminels violents ou terroristes. En outre, elle a un programme plus intéressant pour les soins de santé, l’éducation, la justice criminelle, le droit des salariés, alors que Trump lui n’a même pas un programme ou un véritable plan de gouvernance. »

Safa Tounkara, demeurant dans la même ville que Thierno, abonde dans le même sens et répète les mêmes mots que Fatou de Los Angeles pour parler de ses frustrations face aux deux candidats. Tout comme Fatou donc, Safa pense que dans cette élection de 2016, il y a un choix à faire entre la peste et le choléra. Il dit notamment : « les élections présidentielles américaines de 2016 se résument au choix entre le mal et le pire. Le mal étant ici Mme Hillary Clinton, et le pire c’est Mr. Trump. »

Il continue en affirmant « qu’il n’aurait voté pour aucun de ces deux candidats dans les conditions normales. Mais il s’avère que les défis de cette nation sont assez lourds pour être relevés par un président impulsif et qui n’a aucune connaissance de la politique étrangère. Pour lui, les Etats-Unis sont un pays d’immigrants. Donc, il est insensé de résumer sa politique de l’immigration au rapatriement des illégaux et à la construction d’un mur. »

En conclusion, il dit qu’il vote Hillary à cause de toutes ces raisons citées plus haut.

Mouctar Baldé